Alors que l’Intelligence Artificielle (IA) s’invite dans tous les secteurs, de l’éducation, la formation, de la santé à la banque en passant par les ressources humaines, la question de la discrimination algorithmique devient centrale. Les régulateurs européens ont mis en place deux cadres ambitieux pour encadrer ces pratiques : le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et le règlement européen sur l’Intelligence Artificielle (AI Act). Mais comment cohabitent-ils ? Sont-ils complémentaires ou parfois contradictoires ?
MDP Data Protection vous aide à prévenir les discriminations algorithmiques et à concilier conformité RGPD et AI Act dans vos projets
L’entrée en vigueur de l’AI Act a mis en lumière un défi juridique majeur : la conciliation entre la lutte contre la discrimination algorithmique et la protection des données personnelles.
Comprendre la discrimination algorithmique
La discrimination algorithmique désigne le traitement inégal ou biaisé que peut produire un système d’IA lorsqu’il prend des décisions automatisées à partir de données biaisées, mal structurées ou historiques. Les biais peuvent concerner l’origine, le genre, l’âge, la situation sociale ou encore l’état de santé. Les conséquences peuvent être graves : refus de crédit, non-embauche, accès différencié à des services publics.
Le RGPD : un socle juridique fort, mais généraliste
Le RGPD impose des obligations strictes en matière de traitement des données personnelles, dont plusieurs directement liées à la lutte contre les discriminations :
- Droit à ne pas faire l’objet d’une décision automatisée sans intervention humaine (article 22)
- Droit d’accès à une « explication » sur la logique ayant conduit à une décision
- Principe de loyauté, de minimisation des données et d’équité dans les traitements
Mais ces principes, bien que puissants, ne sont pas toujours suffisants face à des modèles d’IA complexes et peu transparents (« boîte noire »).
L’AI Act : des règles spécifiques, fondées sur le risque
Adopté en 2024, l’AI Act introduit une classification des systèmes d’IA selon leur niveau de risque. Les systèmes à haut risque, notamment ceux utilisés pour le recrutement, le scoring ou l’éducation, sont soumis à des obligations supplémentaires :
- Documentation et traçabilité des données d’apprentissage
- Explicabilité des décisions automatisées
- Auditabilité et surveillance humaine
- Évaluation de conformité avant mise sur le marché
L’AI Act complète donc le RGPD, mais dans une approche « ex ante », centrée sur la conception et la commercialisation des systèmes.
Une divergence croissante entre RGPD et AI Act
Alors que le RGPD impose un encadrement strict du traitement des données sensibles, l’AI Act, quant à lui, prévoit des mécanismes pour autoriser ce traitement sous conditions strictes, notamment lorsqu’il permet de prévenir ou de corriger des biais algorithmiques. Cette divergence crée une véritable zone grise réglementaire : comment garantir une IA non discriminatoire sans avoir recours à certaines données protégées par le RGPD, comme l’origine ethnique ou les opinions politiques ? Cette tension soulève des interrogations fondamentales sur la manière d’interpréter et d’articuler deux textes pourtant complémentaires dans leurs finalités.
Un défi juridique pour les entreprises et les développeurs
Pour les responsables de traitement et les développeurs d’IA, cette incertitude juridique représente un risque concret. D’un côté, le RGPD interdit en principe le traitement de données dites « sensibles », sauf exceptions encadrées. De l’autre, l’AI Act encourage une IA équitable, ce qui suppose parfois l’usage de ces données pour détecter des discriminations. Sans clarification ou ligne directrice claire de la part des autorités (CNIL, EDPB…), les entreprises doivent naviguer à vue. Cette situation met en lumière les limites actuelles du RGPD dans un contexte technologique en pleine mutation, où l’encadrement juridique doit accompagner l’innovation tout en garantissant les droits fondamentaux.

Tableau comparatif des approches réglementaires de l’AI Act et du RGPD sur le traitement des données sensibles et la lutte contre la discrimination algorithmique.
Points de tension entre les deux cadres
Élément | RGPD | AI Act |
---|---|---|
Champ d’application | Traitement des données personnelles | Systèmes d’IA (même sans données personnelles) |
Moment d’intervention | Pendant et après le traitement | Avant mise sur le marché |
Responsabilités | Responsable de traitement / sous-traitant | Fournisseur / utilisateur de l’IA |
Base juridique | Consentement, contrat, intérêt légitime… | Obligations techniques et réglementaires |
Perspectives d’évolution : vers une convergence réglementaire ?
Une réforme du RGPD pourrait s’avérer nécessaire et des lignes directrices clarificatrices sont attendues pour harmoniser les deux réglementations. Cette tension réglementaire souligne l’urgence d’adapter notre cadre juridique à l’ère de l’IA, pour concilier innovation, éthique et protection des données personnelles.
Cependant, malgré les divergences, le Comité Européen de la Protection des Données (EDPB) plaide pour une application conjointe des deux textes. La CNIL, dans son dossier IA, insiste sur l’importance de l’éthique dès la conception, en s’appuyant sur les principes RGPD tout en respectant les obligations AI Act.
Bonnes pratiques pour les entreprises
- Cartographier les systèmes d’IA déployés ou envisagés
- Réaliser une AIPD (analyse d’impact) pour tout traitement sensible ou décision automatisée
- Documenter la provenance des données et les biais potentiels
- Définir des mécanismes de recours pour les personnes affectées
- Former les équipes aux enjeux juridiques et éthiques de l’IA
👉 Voir aussi : Régulation des Systèmes d’IA : vers une utilisation responsable et éthique
En résumé :
Le RGPD et l’AI Act, bien que distincts, se rejoignent sur un objectif commun : garantir une utilisation équitable, transparente et responsable de l’intelligence artificielle. Pour les entreprises, il s’agit d’anticiper, de documenter, et surtout de placer l’humain au cœur des décisions automatisées.Pour aller plus loin
- CNIL – Dossier thématique IA
- Défenseur des Droits – Algorithmes, systèmes d’IA et services publics : quels droits pour les usagers ? Points de vigilance et recommandations
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- SimplyRGPD : La solution Simply RGPD de MDP
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